A la tête de la Direction générale de la sécurité intérieure depuis 2018, Nicolas Lerner revient sur les enjeux du suivi des terroristes présentant des troubles psychiques, comme l’auteur de l’attaque au couteau , samedi 2 décembre, à Paris.
Après plus de deux années d’accalmie, il constate une hausse de la menace portée par de très jeunes individus et alimentée par le regain de dynamisme des groupes terroristes en Syrie et en Afghanistan.
Le Monde : Comme l’auteur de l’attentat d’Arras, dans le Pas-de-Calais, celui de l’attaque au couteau, à Paris, était suivi par la DGSI. Est-ce un échec pour votre service ?
Nicolas Lerner : Il n’y a pas une journée qui passe sans que les quelque 5 000 agents de la DGSI ne soient mobilisés : 73 attentats ont été déjoués depuis 2013, 43 depuis 2017. Rien que depuis mars 2023, trois ont pu être empêchés par la DGSI.
Depuis l’assassinat de Samuel Paty, conformément aux instructions de fermeté du ministre de l’intérieur, 545 étrangers inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste ont par ailleurs été éloignés. Au regard de cet investissement quotidien, chaque passage à l’acte constitue pour nous une amère frustration et une immense tristesse.
Le Monde: Ces deux attaques marquent-elles un retour de la menace terroriste en France après une période d’accalmie ?
Nicolas Lerner : L’attaque d’Arras intervenait, en effet, après une période d’un an et demi sans attentat. Le dernier traité comme tel judiciairement, c’était l’assassinat d’Yvan Colonna en détention, en mars 2022. Mais si on considère uniquement les attentats survenus hors détention, il fallait remonter à l’assassinat de Stéphanie Monfermé, à Rambouillet (Yvelines), en avril 2021, il y a deux ans et demi.
De fait, nous constatons depuis plus d’un an que cette menace est de nouveau orientée à la hausse sous l’effet de trois facteurs. D’abord, une redynamisation de la mouvance endogène, singulièrement portée par de très jeunes individus. Deuxièmement, l’ancrage persistant dans l’idéologie djihadiste de profils expérimentés et animés d’une volonté intacte de nous frapper. Et, troisièmement, le retour de la menace en lien avec des théâtres extérieurs.