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Quelles sont les grandes tendances de l’évolution de la menace terroriste en lien avec des théâtres extérieurs ?
3 zones retiennent notre attention.
D’abord la zone sahélienne et africaine. A court terme, les organisations terroristes qui y sont présentes sont engagées dans un agenda local. Mais si ces groupes devaient de nouveau conquérir des emprises territoriales, cela pourrait accroître leur attractivité et donner lieu à la création de filières qui, pour l’heure, n’existent pas.
Vient ensuite le théâtre syro-irakien, où l’Etat islamique conserve une résilience préoccupante et, enfin, le théâtre afghan, où le nombre de combattants de l’EI a presque décuplé depuis deux années.
Le phénomène auquel on assiste depuis un an est moins un risque de projection de la menace – au sens où on l’entendait en 2015 avec des opérationnels qui quitteraient la zone pour venir nous frapper – qu’une activation à distance de sympathisants depuis une zone de djihad.
3 exemples récents illustrent cette nouvelle forme de menace : le premier a été entravé par la DGSI en novembre 2022 à Strasbourg, avec l’interpellation d’un ressortissant tadjik et d’un Tchétchène dont tout laisse à penser qu’ils ont été activés par des opérationnels de l’EI en Afghanistan pour frapper la France, ce qui serait une première. Pendant l’été, des partenaires européens ont également interpellé des individus présentant le même profil. Enfin, la police suédoise a arrêté des individus en lien direct avec l’EI en Syrie.
Vous l’évoquiez plus haut, plusieurs projets d’attentats récents ont frappé les esprits par le jeune âge de leurs auteurs. Comment expliquer cette tendance ?
Les 3 projets d’attentat déjoués par la DGSI en 2023 impliquaient des individus qui avaient tous moins de 20 ans. Le plus jeune avait 13 ans. Deux autres avaient 14 ans. Dans plusieurs de ces affaires – parfois traitées avec nos partenaires européens, parce que ce phénomène n’est pas que français, il est européen –, ces jeunes velléitaires ne fréquentaient pas de mosquées ni des lieux de socialisation : ils se structuraient en ligne, sur les réseaux sociaux, à travers un enfermement idéologique et numérique très préoccupant.
Notre analyse, c’est que l’attrait pour l’idéologie djihadiste a significativement diminué du fait de la déroute de l’EI dans les années 2017-2018, notamment auprès des générations qui s’étaient engagées au début des années 2010. Mais la propagande de l’EI revient aujourd’hui séduire une nouvelle génération d’adolescents qui, pour des raisons diverses – une quête identitaire, l’écho d’un discours de victimisation, une glorification de pulsions violentes qu’ils peuvent nourrir par ailleurs – se montre de nouveau sensible à cette idéologie mortifère.
Signe de cette tendance : pendant quasiment trois ans, aucun auteur d’attentats commis en France ne s’était revendiqué de l’EI. Or, lors des trois dernières attaques perpétrées en Europe, que ce soit à Bruxelles, Arras ou Paris, l’auteur s’est revendiqué de ce groupe. L’idéologie djihadiste n’est pas morte, et l’Etat islamique bénéficie d’un attrait nouveau au sein de ces jeunes générations.